Intentions de mise en scène

Chez Beckett, les personnages attendent la réalisation de leur destin.

 

Ici, les protagonistes ne savent pas qu'ils attendent, ni ce qu'ils attendent, d'ailleurs, ils ne s'attendent à rien.

Le comique de situation se nourrit des problèmes ordinaires exposés au microscope de l'excès, révélant, ainsi, l'absurdité même de nos propres comportements.

Truculences et passion colorent le sordide de cette relation humaine en lui ôtant tout misérabilisme.

A l'instar du cinéma humoristique italien d'après-guerre, « Entre père et mère » offre une réflexion déroutante et joyeuse sur la nature humaine exacerbée par ses blessures.

Dominique Bru et Hélène Hiquily composent leur personnage à l'école du contre-emploi, puisant aux techniques corporelles et à celles du clown de théâtre (Jacques Tati, Mister Bean, les Marx brothers, Albert Dupontel, Benny Hill, Buster Keaton...).

S'en inspirant, seulement, le spectateur ne verra pas de nez rouge, mais bel et bien le rire du blues à l'âme de nos ecchymoses de la vie.

S'appuyant sur les espaces de jeu qu'offre le texte, de longues séquences de « pantomime » rythment la narration.

L'exploitation exacerbée du langage non-verbal (gestuel, corporel, respiration, comportement, occupation de l'espace, regard...) éclaire les non-dits et met en exergue la complexité de la communication des protagonistes, dont ils souffrent tant.

 

L'univers sonore, composé par Eric Rabbin, affirme sa passion et sa maitrise du « cultissime » cinéma fantastique et d'horreur. Il tressera à ces références du septième art des ambiances hyperréalistes, entre fonds sonores urbains et archives naturalistes animalières.

Les sonorités musicales reconnaissables appartiennent à des compositions tour à tour folkloriques, enfantines, comptines ou à des airs d'opéra (Wagner ou Verdi selon l'intention souhaitée.)

 

Le choix scénographique emprunte à l'oeuvre visionnaire de Roland Topor, pour la dimension fantastique, tout en s'inspirant des esthétiques des peintres Edward Hopper pour l'analyse froide des situations et de Grant Wood pour le traitement des sujets ruraux-industriels, ce que rappelle l'affiche de David Ramuscello.


 


Sur une vaste étendue de gazon ras et synthétique trônent au second plan un vieux juke box et au premier plan une pompe à essence rouillée et désaffectée. Entre les deux s'immobilise une vaine balancelle.

Le gazon synthétique évoque l'illusion dans laquelle se replie les deux femmes, prisonnière de leurs artifices, sa courte taille, l'austérité de l'expression des sentiments mère/fille. L'herbe verte, couleur symbolique d'espoir, leur tend une dernière chance. Sauront-elles la saisir?

La pompe à essence hors-service stigmatise l'impossibilité pour les protagonistes de trouver l'énergie nécessaire à se sortir de leur impasse affective. La rouille dit les blessures que s'infligent les deux personnages.

La balancelle, sensée accueillir l'intimité douce de ses utilisateurs, s'avère, ici, être statique, à l'image de l'immobilisme dans lequel mère et fille s'enferment.

Une tondeuse à gazon ne démarrera pas et un barbecue enfumera l'ambiance sans assumer sa fonction.

Le juke box n'égrène en boucle que des mélodies saturées, usées par la répétition.

On imagine que les personnages, à l'instar du juke box, s'épuisent en d'obsessionnelles répétitions.

Combien de fois les personnage se sont-ils déjà dit ce qu'ils prononcent devant les spectateurs?


Parviennent-ils à formuler autre chose que ce qu'ils disent maintenant?

Il clignote et scintille, tels les dérisoires manèges des kermesses, s'acharnant à masquer la vacuité des vies ratées. Paré de guirlandes clinquantes au rythme affolant, il tente de masquer le vide épars en attirant l'attention sur lui.